Saudi-Canada Fight Shows Need for Pipelines, Oil Group Says

The escalating trade battle between Canada and Saudi Arabia highlights the need for more pipelines to move oil and natural gas around the northern nation to improve its energy security, according to the Canadian oil industry’s largest trade group.

“Geopolitical tensions, whether they be with our largest trading partner, the U.S., or with other countries, illustrate the opportunity we have to improve energy security within our own borders and to expand our exports to global markets to ensure we are getting the best price for our products,” Brunnen said in an emailed statement.




UN ENVOYÉ très spécial

UN ENVOYÉ très spécial

Dans la poudrière du Golfe où la guerre couve entre le Qatar et l’Arabie saoudite, Emmanuel Macron s’est trouvé un guide atypique : un diplomate arabophone, pieux et royaliste. SOPHIE DES DÉSERTS a rencontré cet oiseau rare, dont les confidences éclairent quarante ans de relations très particulières.

ILLUSTRATION LAURÉNE IPSUM

SABLES MOUVANTS Mohammed Ben Salman, prince héritier d’Arabie saoudite, et Tamim Al-Thani, émir du Qatar, deux jeunes souverains dont le conflit menace la stabilité du Golfe. En arrière-plan, le regard de Bertrand Besancenot, conseiller diplomatique du gouvernement français.

 

C’est une curiosité, presque une antiquité en Macronie. Il vient de l’ancien monde, ambassadeur à cravate soyeuse et chevalière, pieux catholique, de droite, engagé pour François Fillon durant la campagne présidentielle. Son patronyme, le même que le facteur gauchiste du NPA, a toujours fait sourire au Quai d’Orsay. Besancenot, Bertrand de son prénom, n’a rien d’un révolutionnaire ; tout juste s’il ne souhaite pas le retour de la monarchie. Le genre de spécimen dont, a priori, ne raffole pas Jupiter.

Le diplomate se préparait ainsi à une fin de carrière paisible, au bout d’un couloir poussiéreux du ministère des affaires étrangères. Adieu les postes exaltants au Qatar et en Arabie saoudite où il est resté plus de neuf ans, du jamais vu dans les annales. Il fait un peu gris en France, mais un matin d’août 2017, le téléphone sonne. L’Élysée demande à le voir. À peine élu, Emmanuel Macron a tenté de nouer des liens avec les dirigeants du Golfe qui s’affrontent dans une crise sans précédent. Mohammed Ben Salman, dit « MBS », le nouvel homme fort du royaume saoudien, a 32 ans ; l’émir du Qatar, Tamim Al-Thani, 37. Quelques affinités, au moins générationnelles, pouvaient naître… Le président les a appelés, ainsi que leurs voisins. Mais au Moyen-Orient, tout se tisse lentement. « Time consuming, sans résultat », a déploré Macron devant ses équipes. Il veut au plus vite un envoyé spécial dans la poudrière, quelqu’un susceptible d’éteindre le feu entre l’Arabie saoudite et le Qatar, deux partenaires stratégiques pour la France, grands acheteurs de matériel militaire. On lui souffle qu’il n’y en a qu’un pour cette mission délicate, un diplomate arabophone intimement lié à la famille royale qatarie et tout aussi connecté au cœur du pouvoir saoudien. Il connaît mieux que personne l’histoire et la psyché de ces riches bédouins wahhabites, ce qui les unit, les divise, ce qu’ils pensent secrètement de la France et de ses dirigeants. Besancenot, voilà l’homme qu’il lui faut. « Macron a été droit au but, confie le diplomate. Il avait lu mes notes sur la situation dans le Golfe, la nouvelle donne en Arabie saoudite depuis l’arrivée au pouvoir du roi Salman et de son fils MBS, leur volonté d’isoler le Qatar. C’est un homme politique intelligent, pragmatique, soucieux d’aller vite. » En un quart d’heure, la décision était prise, Besancenot, nommé conseiller diplomatique du gouvernement. Il serait le guide du président dans les sables mouvants du Golfe.

Ne négliger aucun levier, jamais. « La diplomatie Whatsapp fonctionne aussi », observe-t-il, l’œil joueur pointé sur la coupole dorée des Invalides, comme pour faire oublier la modestie de son petit bureau du Quai d’Orsay. Complet gris clair, poignets tenus par des boutons de manchette, Bertrand Besancenot saisit son téléphone et déroule les derniers messages de MBS, le trentenaire enfiévré qui secoue la péninsule arabique. Il l’a connu à 20 ans, beau garçon, courtois, dans l’ombre de son père, Salman, alors gouverneur de Riyad. Une fois intronisé en 2015, à l’âge de 79 ans, le souverain a propulsé son fils ministre de la défense, chef de la maison royale et, enfin, prince héritier. « MBS a toujours été le préféré du roi, souligne Besancenot. Le moins américanisé de ses nombreux enfants, celui qui n’a pas fait d’études aux États-Unis, mais une licence de droit à la King Saud University. » Personne n’avait prédit une telle ascension. MBS est en phase avec la jeunesse d’un pays où deux tiers de la population a moins de 30 ans ; il a compris la soif de changements, devenue impérieuse après la chute des cours du brut. Les déficits se creusent, l’oisiveté subventionnée n’est plus tenable. L’héritier s’est imposé d’une main de fer, réformant à tout-va, l’économie (son plan « Vision 2030 » prévoit des privatisations, des projets futuristes sur la Mer rouge…), le sort des femmes (qui ont désormais le droit de conduire et d’aller au cinéma), sans oublier d’éliminer ses opposants, au prix d’une vague d’arrestations sans précédent, dite « anticorruption », jusque dans sa famille. Même démonstration de force à l’égard des voisins : l’Iran chiite, l’ennemi suprême, menace pour son hégémonie régionale, le Yémen où il poursuit une guerre sanglante et, plus récemment, le Qatar.

Le petit-cousin, jadis docile, s’est pris pour un grand avec sa diplomatie agressive, portée par sa chaîne Al-Jazeera et son soutien aux Frères musulmans, honnis de l’Arabie saoudite. MBS veut le mettre à terre. Le sage prince est devenu guerrier. Besancenot suit de près sa métamorphose. Il a gardé le fil, échange avec lui des textos, dont il ne dévoile que des bribes, à condition de les tenir secrètes. Le devoir de réserve l’oblige. MBS écrit sans manière, direct, cash. Il ne tolère aucune leçon, d’autant qu’il peut compter sur son nouvel ami, Donald Trump, et sur ses voisins, les Émirats arabes unis, le sultanat d’Oman et le Koweït, alignés sur ses positions au sein du conseil de coopération du Golfe (CCG). « La voie est étroite, concède Bertrand Besancenot. Mais il faut répéter ad nauseam que la prolongation de la crise est délétère pour tous, que le monde des affaires déteste plus que tout l’incertitude. »

Pour l’instant, MBS continue sa politique de pression sur Doha, qu’il accuse de tous les maux, et d’abord de soutenir des organisations terroristes, comme Daech. La guerre de l’information s’embrase dans chaque camp, à coups de « fake news », d’e-mails piratés. Le blocus terrestre, maritime, aérien imposé au Qatar par le CCG est maintenu. L’émirat enrage, l’inflation grimpe, des produits manquent, des vaches ont même été importées d’Australie pour éviter une pénurie de lait. Le Qatar cherche de nouveaux appuis en Turquie, en Iran, renforçant encore les foudres de MBS. Besancenot a plaidé pour que Macron le rencontre, en novembre 2017, auretour de l’inauguration du Louvre d’Abou Dhabi. Il fallait au plus vite faire connaissance, engager le dialogue et négocier la libération du premier ministre libanais, Saad Hariri, alors détenu à Riyad. Le président français a effectué un arrêt dans la capitale saoudienne, court mais prometteur. De son côté, le diplomate a entamé une discrète tournée dans le Golfe. « Je leur ai dit à tous : “Faites attention, cette crise profite surtout à l’Iran, avec un risque d’emballement généralisé.” »

MISSI DOMINICI Bertrand Besancenot à Riyad, lors de la signature en 2008 d’un accord entre Veolia et la compagnie saoudienne de distribution d’eau.

 

« Je visite la suite, il y avait des fleurs de lys peintes dans la cuvette des toilettes. Un Qatari murmure fièrement : “On nous a dit que votre président descendait de Louis XV !” »
BERTRAND BESANCENOT (CONSEILLER DIPLOMATIQUE DU GOUVERNEMENT)

Ventes d’armes et chasses aux faucons

Baptême du feu : Doha, 1978, parce que le nom lui plaisait bien. « Je l’avais entendu à la radio dans une réclame pour la Middle East Airlines, se souvient Besancenot. Doha, c’était doux, exotique. » Il a senti un parfum d’orient, celui de son enfance libanaise dans les années 1960.Le père dirigeait une compagnie d’assurances à Beyrouth. La belle vie, l’école jésuite avec Hervé, son frère jumeau, une bonne adorable qui leur apprit l’arabe et les délices du Chouf ;inoubliables balades dans les montagnes à dos d’âne et ces après-midi de plage où des diplomates en lin devisaient, whisky en main, jusqu’au coucher du soleil. « C’est cette image qui m’a donné envie d’être ambassadeur, songe Besancenot. Si j’avais su… » Il n’a pas pris la voie royale, viré de Sciences Po Paris, comme son jumeau, en raison de leurs chemises à fleurs de lys et de leurs dissertations royalistes, baroques au lendemain de mai 1968. Les deux frères, diplômés de droit, étudièrent aux Langues O’, avant de décrocher le concours du Quai d’Orsay.

À 26 ans, Bertrand atterrit au Qatar, ce confetti d’État récemment libéré du joug anglais. Le voici numéro deux d’une minuscule ambassade. Doha est alors un village de pêcheurs, un seul hôtel, un vieux souk, pas de boutiques de luxe, quelques bateaux tanguent dans la baie où Ieoh Ming Pei, le célèbre architecte, érigera plus tard un somptueux musée d’art islamique. L’émirat somnole encore. Aux commandes, « un notaire de province », le cheikh Khalifa Al-Thani, père de l’ancien émir, Hamad, et grand-père de l’actuel, Tamim. Dans le Golfe, à Riyad notamment, les Al-Thani sont considérés comme des nouveaux riches. Ils ont beau descendre des mêmes tribus bédouines, on les méprise un peu. Le cheikh Khalifa, soucieux de se détacher des Britanniques, se rapproche de la France. Les premiers accords militaires datent de cette époque, les ventes d’armes décollent. Bertrand Besancenot fait la connaissance de Hamad Al-Thani, alors jeune ministre de la défense. Il fréquente les pontes de Lagardère et Dassault qui, plus tard, tenteront de l’embaucher. Initiation aux négociations stratégiques qui demandent tant de politesses, de chasses aux faucons, de pourparlers sans fin, l’apprentissage d’une part essentielle du métier dans la région. En 1980, Besancenot prépare la visite de Valéry Giscard d’Estaing à Doha. « L’émir avait fait refaire pour l’occasion le palais des hôtes de façon grandiose, se souvient-il. On m’a introduit dans la suite présidentielle, la salle de bains en marbre. Il y avait des fleurs de lys azur peintes dans la cuvette des toilettes. » Un Qatari murmure fièrement : « On nous a dit que votre président descendait de Louis XV ! » Giscard salue Besancenot, ébahi de le retrouver alors qu’il jure l’avoir quitté quelques heures plus tôt à Bahreïn… Il s’agissait de son jumeau, Hervé, attaché d’ambassade dans le sultanat voisin. Les inséparables se suivront toute leur carrière, ravis de perpétuer la longue tradition des frères du Quai d’Orsay. Pas à pas, Bertrand Besancenot apprend les us et coutumes des Qataris, les chausse-trappes qu’il faut éviter. Un jour, le cheikh Khalifa le convie sur son trône, entouré de gardes à longs sabres, d’eunuques à plumes, d’oiseaux majestueux. « Vous m’avez rendu service, choisissez ce que vous voulez », dit-il en ordonnant qu’on ouvre sa caverne étincelante de bijoux, de bibelots, de dorures. Le jeune diplomate murmure qu’il ne peut rien accepter. « Mais vous êtes un orientaliste, insiste le souverain. Vous savez que, chez nous, on ne refuse pas un cadeau. Allez prenez ce qu’il y a de plus petit ! » Va pour une montre Omega, seul présent de valeur accepté à ce jour, note Besancenot.

Les Qataris expérimentent déjà la diplomatie du carnet de chèques, offrant à tout-va des valises de cravates, de montres, et même du cash. « Avec tous ces cadeaux, on va être noyé sous les visites de parlementaires », s’inquiète-t-on alors à l’ambassade. Le jeune attaché, lui, observe la moisson des affidés. Il garde ses distances, tout en tissant ses réseaux au bras de son épouse, Maud, une infirmière fine et énergique, fille d’un sénateur gaulliste. Chez les Besancenot, la diplomatie se vit en couple. Ils baptisent leur premier enfant Marie-Doha, joli souvenir du Qatar, avant de s’envoler vers d’autres postes : New York, Bruxelles, puis Genève, à la conférence du désarmement de l’ONU.

DE MÈRE EN FILS La cheikha Moza, récemment reçue à l’Élysée par Brigitte Macron. Son fils, l’émir du Qatar Tamim Al-Thani (page de droite), a eu droit aux honneurs d’Emmanuel Macron.

 

« Vous êtes un orientaliste. Vous savez que, chez nous, on ne refuse pas un cadeau. Allez, prenez ce qu’il y a de plus petit ! »
KHALIFA AL-THANI À BERTRAND BESANCENOT

« Sept couches de tapis rouge »

Retour dans l’émirat en avril 1998, au poste d’ambassadeur cette fois. Besancenot est reçu à l’Élysée avant son départ. « J’ai un certain nombre de choses à vous dire, s’avance Jacques Chirac. Nous avons le quasi-monopole sur les armes et de gros intérêts à développer dans le secteur gazier. Mais le Qatar est fâché. » La brouille remonte au changement de pouvoir : en 1995, Hamad Al-Thani a profité d’un séjour de son père en Suisse pour le destituer. Il le jugeait frileux, rétrograde, inapte à faire rayonner le Qatar. Il lui en voulait aussi d’avoir toujours préféré son frère, un play-boy, habitué du bar du Fouquet’s, et d’avoir voulu empêcher son mariage avec Moza, cette splendeur, fille d’un opposant. Le vieil émir a tenté de récupérer son trône.Une nuit de février 1996, soutenu par les Saoudiens, il a rassemblé une petite armée au cœur de Doha. Hamad Al-Thani a alors appelé l’ambassadeur de France ; il cherchait de l’aide. Mais personne n’a bougé tandis que les Anglais, eux, dépêchaient discrètement des agents secrets autour du palais et que les Américains mobilisaient leurs troupes. L’émir ne l’a jamais pardonné aux Français. « Chirac m’a dit : “Faites ce qu’il faut, se souvient Bertrand Besancenot. Déroulez sept couches de tapis rouge si ça leur fait plaisir.” Ce petit pays a besoin de beaucoup de considération et d’affection. »

Doha a bien changé, les chantiers pullulent, les immeubles poussent comme des champignons. L’ambassadeur porte ses lettres de créances à Hamad Al-Thani, qui lui parle de la coupe du monde de football et prévient : «La relation franco-qatarie a été détruite par votre prédécesseur.» Peu à peu, les liens se réchauffent. Besancenot découvre « un intellectuel drôle, iconoclaste, ayant horreur du conformisme des dirigeants du Golfe ». Le nouvel émir entend révolutionner son pays. Il s’endette pour exploiter, avec l’aide de Total, l’immense champ gazier partagé avec l’Iran, North Field. Il déploie la chaîne Al-Jazeera pour « donner la parole à la rue arabe », prône un « wahhabisme éclairé », à rebours de la dynastie Saoud qui donne, à ses yeux, une mauvaise image de l’islam. Ça n’empêchera pas le Qatar de soutenir des prêcheurs radicaux, de financer des groupuscules terroristes en Syrie, comme Al-Nosra, une émanation d’Al-Qaida. Double discours, double jeu dont Besancenot n’a jamais été dupe. Il mettra cartes sur table. « Nous avons eu des discussions franches sur le sujet, confie le diplomate. Les Qataris ont le sens des opportunités sans toujours le recul.

Hamad disait : “Il faut se débarrasser du tyran Assad. La bourgeoisie locale prendra le pouvoir.” Je lui répondais : “Regardez ce qu’il s’est passé en France avec l’avènement de la Terreur : chaque révolution porte aussi ses monstres. Vous jouez avec le feu.” » Dans le même temps, l’émir ouvre grand sa porte aux Américains qui s’installent au sud de Doha, dans leur centre de commandement d’Al-Oudeid, à l’endroit même proposé à la France en 1991 pour implanter une base militaire. Besancenot se rend sur l’immense site américain, l’occasion, quelque temps plus tard, d’un autre dialogue avec le souverain.

«Ne pensez-vous pas que vous êtes en train d’installer un ogre dans la région ?

– Rassurez-vous, nous avons le moyen de tout contrôler.

– Permettez-moi d’en douter, votre altesse. Finalement, pourquoi tenez-vous encore à une coopération militaire avec la France ?

« Le Qatar est, avec l’Arabie saoudite, le seul pays à ne pas respecter la liberté de culte. C’est très mauvais pour votre image, et très mauvais pour les affaires. »
BERTRAND BESANCENOT

– Les Américains n’agissent qu’en fonction de leurs intérêts. Ils ont besoin de notre pétrole. Le jour où on ne leur sera plus utiles, ils partiront. Avec vous les Français, c’est différent ; je vois la manière dont vous vous comportez en Afrique… »

L’émir et le diplomate discutent fréquemment, à Doha, au palais ou sur la terrasse de sa villa, au nord de la capitale. Parfois, ils se retrouvent aussi à Paris, comme ce jour de mars 2003, lors de l’enterrement du magnat Jean-Luc Lagardère. Sa veuve, Betty, les a réunis avec leurs femmes, la cheikha Moza et Maud Besancenot. « Vous nous parlez tout le temps de l’amitié franco-qatarie, ose l’ambassadeur. Je vous croirai tout à fait le jour où vous donnerez un fils à Saint-Cyr. » Hamad Al-Thani, qui a envoyé ses premiers garçons à Sandhurst, la célèbre académie militaire anglaise où il a lui même étudié, est surpris. Puis l’idée surgit : pourquoi ne pas confier à la France son fils Joaan, « ce cheval échappé qui ne respecte rien ». « L’armée lui apprendra peut-être la discipline… », souffle-t-il. Les parents qataris insistent : pas de privilège s’il enfreint les règles. Un jour, la cheikha Moza appelle Besancenot : elle veut savoir si l’Aïd est une fête nationale en France. Non, alors pourquoi son fils bulle-t-il à Doha depuis quinze jours ? « Faites-le rapatrier immédiatement », ordonne son altesse. C’est elle le cerveau, la poigne, la femme d’affaires qui pilote aussi l’éducation au Qatar, avec un tropisme pour les universités américaines, au grand dam de l’ambassadeur qui peine à pousser les écoles françaises. Quelques mois plus tard, le prince rebelle est arrêté sur l’autoroute, à 210 km/h, sans permis, au volant de sa Ferrari. Il est loin de Saint-Cyr, au commissariat de Blois. « Alors Joaan, on est en taule ? » le taquine l’ambassadeur. Heureusement, sa sœur, Mayassa, est plus sage. Francophone comme tous les enfants Al-Thani, elle vient en stage à Paris, chez Lagardère, hébergée par les Villepin, et passe des vacances en Vendée, dans la propriété des Besancenot.

La diplomatie devient une affaire de famille. Les Al-Thani reçoivent l’ambassadeur de France et son épouse au mariage de leur fils, Tamim, et aussi sur leur yacht, le Constellation, au large de Cannes, ou dans les terres, sur la terrasse de leur domaine de Mouans-Sartoux. Marie-Doha fête ses 20 ans au palais royal du Qatar. « Bertrand Besancenot a su créer des liens uniques », reconnaît, intrigué, un haut fonctionnaire du Quai d’Orsay. Tout plaît aux souverains du Golfe : son professionnalisme, sa maîtrise de l’arabe, son humour, ses convictions de monarchiste, « attaché à la démocratie », précise-t-il toujours avec malice. Et sa foi catholique ne pose aucun problème, bien au contraire. En terre wahhabite, rien n’est plus inacceptable qu’un homme qui ne croit en rien. « Hamad et moi discutions beaucoup de religion, confesse l’ambassadeur. Je lui disais: “Vous êtes le seul pays, avec l’Arabie saoudite, à ne pas respecter la liberté de culte. C’est très mauvais pour votre image et très mauvais pour les affaires.” » Il convainc ainsi l’émir de recevoir l’évêque d’Abou Dhabi. « Vous vous faites mener en bateau », marmonne en chemin le dignitaire catholique, venu sans apparat. Hamad Al-Thani ressort ravi de l’entretien : « La prochaine fois, vous viendrez avec la ceinture rouge et le crucifix. » Feu vert pour la construction d’une église, financée par des dons, où les catholiques français se recueillentdésormais avec les ouvriers philippins. Pour ce miracle, Benoît XVI décorera Bertrand Besancenot de la grand-croix de l’ordre de saint Grégoire. Mais l’émir est embarrassé; désormais les Britanniques réclament un temple, puis les témoins de Jéhovah s’y mettent. « Les catholiques et les protestants, c’est comme chez vous, les sunnites et les chiites », lui explique Besancenot, qui suggère un « compound » (un quartier sécurisé) réservé aux chrétiens. Le Qatari accepte, désireux de montrer son ouverture, loin de l’intégrisme saoudien.

« La femme est la plus belle création de Dieu. Et vous, vous cachez son visage. »
— BERTRAND BESANCENOT DEVANT UNE ASSEMBLÉE DE RELIGIEUX SAOUDIENS

Coup de sang contre Sarkozy

Une abaya noire. Voici le cadeau de la cheikha Moza à Maud Besancenot, pour affronter l’Arabie saoudite, où son mari est nommé à l’été 2007. « Vous en aurez besoin là-bas », ironise la souveraine du Qatar. On est le 14 juillet. À Paris, les Al-Thani reçoivent les Besancenot dans leur penthouse penché sur les Tuileries, la veille de leur départ pour Riyad. Déjeuner chaleureux, promesse de se revoir, l’ambassadeur reviendra chaque année à Doha. En attendant, l’élection de Nicolas Sarkozy réjouit le clan Al-Thani. Open bar pour les investissements qataris en France, du PSG à Veolia, de Vinci à Accor, immobilier de luxe avec fiscalité avantageuse. Cela vaut bien de soutenir sans compter ce président, pour financer la libération des infirmières bulgares ou la guerre en Libye. Il se murmure même que l’émirat a payé le divorce de Sarkozy. Besancenot n’écoute pas les rumeurs, trop content de se tenir loin des liaisons dangereuses, pendant que ses successeurs à Doha en bavent. L’un d’eux s’est même vu gratifier par Sarkozy d’un « pousse-toi, connard », en public. « Avec le Qatar, les liens ont parfois été un peu passionnels, élude habilement Besancenot. Avec les Saoudiens, la relation est plus sereine, plus mature. »

Au cœur de l’été 2007, l’ambassadeur de France se présente au palais royal de Riyad avec ses lettres de créance. « Nous espèrons que vous ne nous regardez pas avec des yeux de Qataris », lui lancent plusieurs ministres du roi Abdallah. Sourire du diplomate : « Les Qataris sont des amis. Mais on n’est pas toujours d’accord avec ses amis. » Il l’apprend vite : les Saoudiens ne tolèrent pas la moindre allusion au Qatar, deux millions d’habitants, dont trois quarts d’étrangers, un moustique comparé au royaume de La Mecque et ses 32 millions de croyants. « Ils n’ont jamais été colonisés par un État occidental, rappelle le diplomate. Et dans leur esprit, l’unité du pays s’est faite seulement à deux époques : du temps de Mahomet et sous les Saoud, qui règnent depuis le

XVIIIe siècle et sont à l’origine du prodigieux développement économique des années 1970. Ne l’oubliez jamais : ils marchent sur ces deux jambes.» Besancenot voyage d’est en ouest, perce les subtilités de la société tribale, le poids de ces grandes familles, comme les Ben Laden, riches à milliards. Dans sa feuille de route, il y a des paquets de contrats à finaliser, dans le domaine de l’énergie, des transports, de la défense, de la modernisation de la flotte saoudienne à ce TGV a priori sur les rails qui échappera au dernier moment à Alstom. L’ambassadeur s’active, il faut profiter du relâchement des liens avec les États-gravées à son nom, envisage la venue de son chanteur favori, Charles Aznavour, à Riyad (mais les 500 000 euros demandés ne rentraient pas dans le budget de l’ambassade) et pourquoi pas les chevaux de la Garde républicaine.

Il en faut des attentions, car la politique de Sarkozy déroute parfois. À l’été 2008, le vieux roi pique un coup de sang en apprenant la visite de Bachar Al-Assad à Paris, le 14 juillet, sur une suggestion du Qatar. Scandaleux, le dirigeant syrien est soupçonné d’avoir commandité l’assassinat du premier ministre libanais Rafic Hariri. Abdallah fait porter une missive indignée à Sarkozy. Qui fulmine. « Grâce à Bertrand Besancenot, les choses se sont calmées, confie l’ancien secrétaire général de l’Élysée, ClaudeGuéant, alors missionné auprès du roi. Notre ambassadeur avait la confiance totale des Saoudiens. » Il faut slalomer entre les envoyés spéciaux de la Sarkozie, le sulfureux intermédiaire AlexandreDjouhri qu’il s’efforce de tenir à l’écart, Dominique de Villepin qu’on le charge d’introduire auprès du roi en 2011. « En démocratie, vous avez beaucoup de choses surprenantes», s’étonne-t-on au palais, qui cette fois ne donne pas suite.

Besancenot escorte au cœur du pouvoir saoudien les grands patrons, les ministres comme Hervé Morin, ou Christine Lagarde, très appréciée du roi. Avec Bernard Kouchner, c’est plus rude. Le ministre des affaires étrangères se présente en jean, sans cravate, pas rasé. DansUnis, ces alliés désormais plus distants avec Obama. Il se rapproche du ministre du commerce, des affaires étrangères, du tout-puissant vizir Khaled Touijri, alors directeur du cabinet du roi. Abdallah reçoit Besancenot dans ses palais, à Riyad, ou dans le désert. Conversation en arabe, parfois sans interprète. On parle business, sécurité, diplomatie. L’ambassadeur de France a le sens du geste ; il offre au monarque des boules de pétanque la Mercedes saoudienne blindée qui le conduit au palais, il éructe : « Ce mec, qu’est-ce qu’il se paie comme baraque… Et dire qu’on critique Omar Bongo ! » L’ambassadeur avale sa salive, désigne d’un doigt fébrile les micros cachés dans l’habitacle. Devant le roi, Kouchner multiplie les faux pas, donneur de leçons sur la situation en Irak. Et il recommence le soir, lors d’un dîner en faveur de femmes de la haute société saoudienne. À peine si le « french doctor » ne les traite pas d’arriérées : « Vous êtes professeur d’université et on vous empêche de conduire. Comment acceptez-vous ça ? » Une dame lui répond que l’autorisation d’un homme appelé « mahram » (une sorte de tuteur qui peut être le mari, un frère, un oncle) est nécessaire pour tout : sortir, travailler, convoler. « Qu’est-ce qu’ils sont cons, ces musulmans », soupire Kouchner sur le trajet du retour.

Les temps changent avec l’arrivée de François Hollande en 2012. Laurent Fabius est plus subtil et les relations avec le nouveau président sont bonnes. Le roi apprécie son humour. Besancenot aussi : « Vous vous en fichez de ce que je vous dis, hein, puisque vous êtes royaliste », lui glisse Hollande un jour en roulant vers l’aéroport de Riyad. Le chef de l’État mesure à chaque visite combien cet ambassadeur est aimé. Les Saoudiens ne veulent pas le laisser partir. « Tant que je serai vivant, vous resterez, a juré le vieil Abdallah en tapotant sur la main de Besancenot. Vous êtes notre meilleur ambassadeur en France. » Le roi a notamment apprécié l’intervention du diplomate en 2011 devant l’Assemblée nationale. Il l’assurait alors : il n’y aurait pas de printemps arabe en Arabie saoudite. Certains avaient à ce moment-là soupçonné Besancenot de souffrir « du syndrome de Stockholm ». Mais il maintenait ses positions, pas de soulèvement en vue dans un royaume où tout est sous contrôle, avec une classe moyenne aisée, peu de pauvres, pas d’opposition. Au même moment, en Égypte, en Tunisie, les Qataris soufflaient sur les braises en poussant les Frères musulmans à prendre le pouvoir.

Le roi Abdallah est reconnaissant. En 2013, il promet 2,5 milliards d’euros pour l’achat de matériel militaire français à destination du Liban. (Les armes ne seront finalement pas livrées à Beyrouth, désormais jugée sous emprise de Téhéran.) Les autorités du royaume ont confiance en Besancenot, elles ferment les yeux sur les messes du jeudi à la résidence, les fêtes organisées par Maud, défilés de mode caritatifs et autres soirées à thème – vendanges, Caraïbes… – avec cocktails et vins fins. Un jour, l’ambassadeur reçoit une lettre de menace : « Sale porc, je t’ai vu dans ta voiture derrière ton drapeau. Je n’avais pas de couteau mais la prochaine fois… » Sa 607 blindée croise parfois des yeux vengeurs, mais il préfère les ignorer. Et quand la tension monte, notamment après la loi sur la burqa ou l’affaire des caricatures de Charlie Hebdo, le diplomate va au charbon. Il multiplie les rencontres. Le voici un soir à dîner devant une assemblée de barbus en dishdasha. Souvenirs d’explications cocasses sur le concept de laïcité. Il n’a rien oublié : « Je leur ai dit sur tous les tons : “Il faut que vous respectiez notre liberté chez nous, comme nous respectons vos lois dans votre pays.” » Regards noirs et dialogue de sourds. Avant de partir, le diplomate tente de détendre l’atmosphère : « Au fond, nous sommes tous croyants, mais nous n’aimons pas Dieu de la même façon. Regardez, on est d’accord : Dieu a tout créé. » Accord autour de la table. « La femme est bien sa plus belle création, poursuit-il. Nouvel acquiescement. Et vous, vous cachez son visage. » Enfin, quelques sourires percent sous les barbes : « You have the point ! »

SON AMI LE ROI Bertrand Besancenot aux Invalides avec des dignitaires saoudiens lors d’une visite officielle du prince héritier en septembre 2014.

 

La trahison de Hollande

Dieu, encore et toujours. C’est aussi un sujet avec le roi Abdallah. Besancenot ne l’a pas convaincu d’ouvrir une église, mais au moins peut-il faire venir, en catimini, quelques prêtres. Au crépuscule de sa vie, le roi malade s’est confié : « Beaucoup de gens s’interrogent sur le sens à donner à la vie avec le consumérisme, tout ce que la mondialisation offre, ça ne suffit pas. Nous, les politiques, comme les religieux avons un rôle à jouer. J’apprécie les gens qui, comme vous, pensent qu’il y a quelque chose au-delà. » Abdallah meurt fin janvier 2015 et son demi-frère, Salman, 79 ans, prend sa place. Il manifeste aussitôt sa volonté de garder l’ambassadeur de France, qu’il a connu quand il était gouverneur de Riyad. Besancenot lui a présenté nombre de politiques et de dirigeants. Discrètement, il lui a aussi adressé quelques ardoises de Saoudiens partis sans payer celles d’un palace ou d’une luxueuse boutique en France. «Pour l’image de la maison Saoud… » a maintes fois plaidé Besancenot dans ses courriers. Le jeune prince, MBS, alors chef de la maison royale, a toujours réglé sans commentaires. Il tenait ainsi la liste des mauvais sujets, consignait des preuves dont il se servirait plus tard. L’héritier prend du galon. Début 2015, il reçoit Besancenot pour lui annoncer que le roi entend investir une cinquantaine de milliards dans des projets français. Champagne au Quai d’Orsay. Dans la foulée, François Hollande est convié, début mai 2015, à participer au conseil de coopération du Golfe en tant qu’invité d’honneur. Une première pour un Occidental. Devant tout le monde, le roi Salman demande à Hollande que Besancenot mette en œuvre le plan d’investissements. Lui qui comptait enfin partir comme ambassadeur de France au Saint-Siège… Il accepte la mission à condition de pouvoir rester en Arabie saoudite jusqu’à sa retraite. Hollande le lui promet. Le ciel est clair, Besancenot encourage alors MBS et son père à passer des vacances dans leur propriété de Vallauris, où ils n’ont pas mis les pieds depuis dix ans. Ce serait un beau signe d’amitié.

COUP DE MAIN Bertrand Besancenot et le ministre saoudien de l’intérieur Mohammed Ben Sayef à l’Élysée, pour une rencontre avec François Hollande en 2013.

 

En juillet 2015, le roi d’Arabie saoudite, vexé, quitte Vallauris avec sa cour. « Les Saoudiens ont parfois du mal à nous comprendre », souffle Besancenot.

Couper l’antenne d’Al-Jazeera

En juillet 2015, le roi débarque ainsi avec sa cour de mille personnes, prêtes à dépenser des millions d’euros chaque jour. Les commerçants se réjouissent, mais la polémique enfle dans la presse : la petite plage en contrebas de la villa royale a été fermée aux vacanciers et il se dit que Salman aurait protesté contre la présence d’une policière. Besancenot s’emploie à dégonfler l’affaire, suggère à Hollande de passer un coup de fil d’apaisement aux Saoudiens. Mais ça ne sert à rien. Le roi, vexé, s’en va. « Les Saoudiens ont parfois du mal à nous comprendre », souffle l’ambassadeur. Lui aussi est humilié. À l’automne 2016, il apprend par hasard la nomination de son remplaçant. C’est fini, il doit quitter le royaume saoudien. Hollande n’a pas tenu promesse.

« Que vaut-il, ce Macron ? » lui demande-t-on depuis Doha et Riyad durant la campagne présidentielle. MBS a pris quelques informations auprès de Jacques Attali, cet habitué du royaume qu’il côtoie depuis des années. Tous les princes du Golfe s’interrogent : le candidat En marche! a promis qu’il n’aurait « aucune complaisance » à leur égard, laissant entendre qu’il reviendrait sur les conventions fiscales. Besancenot connaît peu Macron à qui il a seulement présenté quelques investisseurs saoudiens, à l’époque de Bercy. Lui, il fait campagne pour Fillon, planche sur le programme diplomatique tandis que Marie-Doha, sa fille devenue normalienne, œuvre sur les discours. Chacun ses opinions. À l’époque, les Saoudiens ne sont pas contre un deuxième mandat de Hollande. Les Al-Thani, eux, ont souffert sous son quinquennat, s’estimant victimes d’un « Qatar bashing » exclusivement français qu’ils tentent encore de comprendre. Quelle ingratitude après tous ces millions dépensés, notamment dans les Rafale et autres bâtiments historiques vendus par le Quai d’Orsay. En vérité, les Qataris paient leur proximité avec Sarkozy. Pourtant, jusqu’au bout, ils ont espéré son retour. « Le seul véritable homme d’État », disaient-ils.

Les Qataris ont fait les mauvais choix, même en Amérique où ils ont financé la campagne de Hillary Clinton. Donald Trump n’oublie rien : depuis son élection, il soutient sans réserve l’Arabie saoudite, partenaire historique, y compris pour ses propres affaires (plusieurs princes ont notamment investi dans la tour Trump). Le jeune MBS lui plaît avec son style direct, sa haine de l’Iran, son goût du business. Déjà 380 millions de dollars (300 millions d’euros) de contrats raflés en mai lors d’un premier voyage à Riyad. À ce prix-là, pas de quartier pour le Qatar. En juin, sur Twitter, Trump accuse l’émirat de soutenir « l’extrémisme religieux au plus haut niveau ». Et tant pis si le pays abrite toujours la plus grande base militaire américaine du Golfe. Il met de l’huile sur le feu, légitimant en quelque sorte le blocus. Sa levée est conditionnée à une liste de mesures intenables, comme la fermeture d’Al-Jazeera. Les Qataris, furieux, s’arment jusqu’aux dents et se rapprochent de la Turquie et de l’Iran. Le Koweït, désigné comme médiateur, demande de l’aide à la France. Et Besancenot est appelé par Macron pour démêler ces fils inextricables. Il retrouve ainsi son vieil ami Hamad, et Tamim, ce fils jadis peu porté sur la politique et devenu héros national. En face, le jeune MBS, décidé lui aussi à entrer dans l’histoire. Et Trump qui a osé démettre en un tweet son secrétaire d’État Rex Tillerson, seul partisan d’une ligne sage dans la crise. Il faut garder la foi.

Entre deux tournées dans la péninsule arabique, Besancenot s’est rendu à Washington en février. Il voulait s’assurer que l’administration américaine soutiendrait réellement les efforts de paix. C’est décidé, Macron entend jouer un rôle dans la poudrière du Golfe. Besancenot l’y prépare en coulisses. « Nul n’est besoin d’espérer pour entreprendre », dit-il. Pas mécontent de servir enfin un président qui a tout d’un monarque.

DROIT DE RÉPONSE

Nous avons reçu de Jean-Pierre Mounet, de l’association Interstices, le courrier suivant : « Dans son no 54 de février 2018, Vanity Fair a publié un article consacré à Edwy Plenel, en mettant en cause l’association Interstices dont je suis le coprésident. Je tiens à préciser que notre association n’a rien à voir, ni de près ni de loin, avec la mouvance des Frères musulmans. Pour nous, il est infondé et invraisemblable que M. El Korchi, traducteur en arabe du livre d’Edwy Plenel Pour les musulmans, appartienne à ce mouvement. Comme cela est indiqué sur notre site asso-interstices.fr, nous sommes une association laïque et citoyenne opposée à tous les extrémismes et dont les objectifs statutaires et les activités sont axés sur l’interculturalité, le renforcement des liens franco-marocains et la lutte contre les discriminations, notamment de genre. Je suis profondément choqué que cette association que je copréside soit assimilée à un mouvement considéré comme très loin de la tolérance et des valeurs républicaines et laïques qui nous portent. »

Nous maintenons l’intégralité de nos informations sur les liens entre M. El Korchi et le Qatar. — SOPHIE DES DÉSERTS

VANITY FAIL

Dans la page « table d’addiction » du même numéro, nous avons interverti par erreur les chaussures Roger Vivier et Nicholas Kirkwood, attribué une sandale Clergerie (la marque) à Robert Clergerie (son créateur) tandis que le soulier (fermé) Giorgio Armani n’était clairement pas un escarpin (ouvert) d’Orsay (dépourvu d’ailes de quartier).

 

 

 




Guerre économique : entretien avec Pierre Conesa sur le cas du Qatar et de l’Arabie Saoudite

Ancien haut fonctionnaire de la Défense, directeur général de la CEIS de 2005 à 2011, auteur et spécialiste du Moyen-Orient, Pierre CONESA a accepté de répondre aux questions du Portail de l’IE au sujet de la guerre économique entre le Qatar et l’Arabie Saoudite. La situation exposée dans cet entretien démontre que la guerre économique est une forme de conflictualité de plus en plus préférée à l’affrontement militaire. Surtout, elle confirme que les entreprises internationales sont les plus susceptibles d’être les premières victimes de ces conflits.
PIE : Lors de la mise en place de l’embargo, l’année dernière, des pays de la péninsule contre le Qatar, vous aviez alerté sur le fait que cette décision puisse se transformer en guerre économique globale susceptible d’affecter les entreprises françaises. Quelle est votre analyse 6 mois après le début de la crise ?

Pierre CONESA : La brutalité du déclenchement de cet embargo avec, en particulier, l’extension complète aux interdictions de survol aérien, de fermeture des frontières, etc., avait évidement de quoi inquiéter une certain nombre d’entreprises qui avaient des intérêts des deux côtés, aussi bien aux Émirats Arabes Unis et Arabie Saoudite d’un côté, que du Qatar de l’autre. Suite à cela, j’ai été mandaté par des entreprises françaises pour aller voir comment se posaient les problématiques sur place et éventuellement alerter les autorités politiques françaises. Effectivement cela avait quelque chose d’assez surprenant étant donné qu’on n’avait pas l’impression qu’il s’agissait d’une crise grave comme l’invasion de la Tchécoslovaquie par Hitler. En effet, ce n’est pas une crise qui a pris place sur des enjeux militaires pour beaucoup de raisons : d’abord il y a la base américaine au Qatar et cela complique déjà beaucoup les choses, ensuite parce qu’il y avait vraiment pas matière à faire la guerre. Le risque de nature économique car la caractéristique de la région est qu’il y a très peu de commerce entre pays membres du Conseil de Coopération du Golf (CCG) : un investisseur est obligé de prendre un partenaire local qui soit propriétaire capitalistique majeur. Or un Qatari n’acceptera pas le sponsoring d’un Saoudien et réciproquement. Donc évidemment, il n’a pas de raison qu’un des citoyens d’un de ces États aille commercer dans un autre État du golfe puisque cela le mettrait dans des situations humiliantes sur le plan honorifique et commercial. Ces gens n’ont rien à s’exporter mutuellement.  Comme le risque de pression économique était très élevé, la crainte de prise en otage des entreprises étrangères était entièrement fondée. Il était évidemment moins facile de faire pression sur les entreprises américaines ou chinoises, alors il restait les entreprises européennes qui pouvaient être fragilisées voire prises en otage dans ce scénario de crise.

PIE : Ce scénario s’est-il finalement produit ?

Pierre CONESA : Au début, il y a eu une alerte sur une grande banque d’affaire européenne qui a fait l’objet de pressions de la part de l’Arabie Saoudite pour qu’elle retire ses intérêts au Qatar. Ensuite, je n’ai pas entendu parler d’autres affaires de cette nature. Il semble que beaucoup de gouvernements occidentaux, et en particulier le gouvernement français, ont fait comprendre qu’il n’était pas question que des entreprises françaises soient prises en otage et que la France ne prendrait pas position sur le conflit.

PIE : La France a donc affirmé et même imposé, sa position de neutralité dans cette affaire ?

Pierre CONESA : Oui, je pense que le Président, dans des entretiens directs, a dû le faire savoir assez clairement. C’était une manière d’anticiper sur les idées qu’auraient pu avoir en tête l’un ou l’autre des pays-membres du CCG. Ce qui fait qu’on est dans une situation de blocage complet. Rien n’a changé. La caractéristique économique de cet embargo est intimement liée à la situation économique et géographique des parties prenantes. Les Emirat sont un des pays les plus concernés par cet embargo. En effet, toute la réexportation des produits étrangers européens, américains, etc… vers Qatar passait par Dubaï. Mais à cause des interdictions, la perte était donc considérable pour les Emirats dont le port de Dubaï ne pouvait plus faire son travail de réexportation. De même l’Arabie Saoudite ne pouvait plus exporter ses produits agricoles frais, vous pensez bien qu’immédiatement les Turcs, les Iraniens, les Français, tout le monde s’est précipité au Qatar, dont il faut rappeler que c’est un des pays les plus riches de la planète en pib/habitant, pour le fournir en tout ce que ses habitants désiraient. L’embargo n’est pas un embargo international, il ne concernait que l’Arabie Saoudite, Bahreïn, l’Egypte et les Emirats Arabes Unis qui interdisaient les moyens qatariens. Donc tous les pays qui n’y participaient pas se sont précipités pour vendre leurs produits au Qatar  par exemple, les avions français n’était pas interdits de survol du territoire saoudien.PIE : Est-ce que la situation des acteurs concernés a évolué, au niveau leurs positionnements et dans les répercussions de l’embargo sur leurs économies et leurs systèmes politiques.

Pierre CONESA : Je ne l’ai pas remarqué. Lorsque j’y étais les supermarchés étaient pleins et le gouvernement Qatari était en train de construire un hangar de 250 000 m² car il avait déjà fait face à un embargo en 2013 et comme ça recommençait en 2017, il ne voulait plus se retrouver paralysé. On peut aussi mentionner la base turque construite au Qatar suite à un accord justement signé en 2014, peu de temps après le premier embargo. La Turquie se promettait d’envoyer 3 000 hommes sur sa base au Qatar. Ce partenariat renforcé de défense avec la Turquie fait aussi partie de la stratégie de défense du Qatar. À cet égard il faut rappeler une des 13 conditions posées à Qatar pour la levée de ce blocus était la fermeture de cette base, ce que Qatar n’a pas fait.

PIE : Ainsi, d’après vous, la situation n’est pas prête d’évoluer ?

Pierre CONESA : Non, parce que ce que sont des pays qui ne vivent pas de l’exportation (hors hydrocarbures), au contraire leur niveau de vie est assuré par l’importation. Donc si vous n’êtes pas fournisseur de l’un vers l’autre, le blocage diplomatique n’est pas sans issue : l’Arabie Saoudite aura toujours des gens qui viendront lui vendre ce dont elle a besoin, le Qatar pareil et les Emirats pareil. Dans un espace comme l’Union Européenne où la France est le premier client de l’Allemagne et l’Allemagne le premier client de la France, c’est sûr que s’il y avait un blocus entre l’un et l’autre les conséquences sur leurs industries seraient énormes. Mais là, comme il y a peu de commerce entre eux, ces attaques diplomatiques sont très limitées. En réalité, le paradoxe est qu’il y avait beaucoup de Saoudiens qui allaient passer des vacances à Qatar parce que l’ambiance y est beaucoup plus détendue qu’en Arabie Saoudite. Donc c’est ironique mais ce sont plutôt les Saoudiens qui sont sanctionnés par cette décision.

PIE : On a pu lire que le Qatar essayait de faire évoluer sa situation pour être préparé et plus résilient face à ce genre de crise. Peut-on comparer cela au comportement de la Russie lorsque celle-ci a voulu avoir une économie plus indépendante et plus diversifiée suite aux sanctions occidentales qui ont découlées de la crise en Ukraine ?

Pierre CONESA : C’est vrai, cependant le défi économique n’est pas de la même nature dans un micro-pays comme le Qatar et dans un pays comme la Russie. Alors qu’en Russie, il faut créer du travail sur place. Au Qatar ce sont surtout des travailleurs immigrés qui travaillent sur place tandis que les Qataris font du commerce. Que le pays ait tenté d’être plus préparé ou d’empêcher ce genre de scénario de se reproduise, oui ! Cela c’est notamment fait à travers des accords à long terme avec un certain nombre de fournisseurs et avec une politique plus indépendante vis-à-vis du cadre des accords commerciaux entre membres du CCG. Aussi, il est vrai que le Qatar cherche à avoir sa propre logique, aussi bien vis-à-vis des pays occidentaux, que des pays alentours.

 

 




Et si l’embargo contre le Qatar virait à la guerre économique globale?

Pierre Conesa, ancien responsable de la direction des affaires stratégiques au ministère de la Défense, livre son analyse de l’embargo organisé par l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis contre le Qatar. La crise pourrait prendre une ampleur internationale.

Attention, danger ! Les tensions entre le Qatar et ses voisins (Arabie saoudite et des Emirats arabes unis) pourraient dégénérer en véritable guerre économique, qui toucherait des entreprises du monde entier y compris françaises. Telle est l’analyse que livre à Challenges Pierre Conesa, ancien responsable de la direction des affaires stratégiques au ministère de la Défense et ancien directeur général de la société d’intelligence économique CEIS.

L’auteur de Docteur Saoud et Mister Djihad : la diplomatie religieuse de l’Arabie saoudite (préface d’Hubert Védrine, Robert Laffont, 2016) a réalisé une visite de quatre jours au Qatar, sous embargo depuis le 5 juin. Il était convié sur place par un collectif d’hommes d’affaires non qatariens inquiets des suites économiques possibles de la crise régionale. Il a rencontré deux ministres, des responsables français et étrangers des différents groupes présents sur place, des expatriés et des Qatariens. Et le fruit de son enquête est inquiétant.
Dans les supermarchés, ” la panique a duré 5 à 6 jours ” assure le représentant d’une grande surface. Pour les denrées du quotidien, le Qatar s’est largement remis de l’embargo imposé par l’Arabie Saoudite, les Emirats, le Bahreïn et l’Egypte. Les fournisseurs turcs, iraniens, indiens, azerbaïdjanais et européens ont rapidement compensé les fruits et légumes saoudiens et les rayons des magasins sont pleins. Heureuse surprise, les produits sont même aujourd’hui moins chers et de meilleure qualité que ceux du royaume voisin. L’embargo pourrait se révéler à double tranchant : qui va dorénavant acheter les produits frais saoudiens ? Et la conséquence de cette réorganisation des circuits commerciaux pourraient avoir des conséquences au-delà de Riyad : Doha, par solidarité ou par paresse, achetait les produits étrangers réexportés par Dubaï, le grand hub des Emirats, à raison de 600 millions de dollars par mois. La cité marchande est dorénavant triplement pénalisée, puisque l’Iran, client fidèle autrefois, joue la carte qatarienne. Pour l’heure, le Qatar a quant à lui, eu l’intelligence de ne pas couper le Pipe Dolphin qui approvisionne Dubaï en gaz. Mais s’il venait à le faire, la ville se retrouverait brutalement sans lumière…

Les chameaux bloqués aux frontières
Tous ces éléments tendent à montrer combien l’embargo lancé par les quatre pays alliés a été mal préparé. Alors que le roi d’Arabie venait tout juste de faire sa première visite d’Etat chez son petit voisin en décembre 2016, que le président américain terminait à peine de quitter Riyad en mai, l’ultimatum est tombé mélangeant toutes sortes d’exigences : fermeture de la chaîne Al Jazeera, expulsion de tous les opposants, rupture des relations diplomatiques avec l’Iran, fermeture de la base turque, et enfin, cerise sur le gâteau, l’arrêt du « financement du terrorisme » à savoir le financement des Frères Musulmans. Le tout devait être exécuté sous dix jours et assorti de pénalités financières et de contrôles. Les mesures vexatoires se sont multipliées. Même les chameaux qatariens ont été bloqués à la frontière saoudienne ! Des conditions tellement surprenantes que ni le Koweït, ni Oman, autres pays membres du Conseil de coopération du Golfe, ne respectent l’embargo.
Pour autant, cette crise ne semble pas proche d’une résolution. Elle menace même de prendre une ampleur inattendue avec un retentissement international. Riyad a ainsi engagé une véritable guerre de communication par agences de relations publiques interposées, en défendant son image à Washington, Londres et Paris. Une bataille que le royaume veut étendre à Moscou, Beijing et même New Delhi… Il sera difficile cependant d’espérer une amélioration de la réputation des Saoud quand ils accusent leur petit voisin de « financer le terrorisme ».

Pressions multiples
Surtout, les tensions pourraient dégénérer, si l’on n’y prend garde, en une véritable guerre économique. La tentation est grande dans l’entourage des décideurs du Golfe de passer à la vitesse supérieure en forçant directement ou indirectement les entreprises étrangères à choisir entre les protagonistes. En effet, les Emirats et l’Arabie Saoudite n’ont pas de moyens de pression économiques directs : les premiers ne représentent à peine 2% du commerce extérieur du Qatar et les quelques projets patronnés par le Conseil de coopération du Golfe sont déjà stoppés, à commencer par le TGV continental et la TVA commune. Dans l’autre sens, la Qatar national bank ne compte que 4% de dépôts saoudiens ou émiriens.
Résultat, faute de détenir eux-mêmes les capacités suffisantes, les forces en présence pourraient mettre sous pressions les sociétés étrangères. Cette menace apparaît dans les discours « officiels ». Le 13 juin 2017, l’Ambassadeur des Emirats Arabes Unis à Washington Yousef Al-Otaiba a déclaré qu’Il ne prévoyait pas que la crise dévie vers « un conflit militaire, même si le Qatar refusait de plier ». Par contre, « il y aura une escalade de la pression économique… le Qatar investit des milliards de dollars aux États-Unis et en Europe, puis recycle les bénéfices pour soutenir le Hamas, les Frères musulmans et les groupes liés à Al-Qaïda »[i] . L’Ambassadeur des Emirats arabes unis à Moscou, Omar Ghobash, dans un discours à Londres[ii] a déclaré pour sa part que « l’expulsion du Qatar du Conseil de coopération du Golfe – souvent soulevée comme une possible sanction – n’était pas la seule sanction possible… Il existe certaines sanctions économiques que nous pouvons prendre et qui sont actuellement examinées…L’une d’entre elles serait d’imposer des conditions à nos propres partenaires commerciaux et de dire si vous souhaitez travailler avec nous, alors vous devez faire un choix commercial…Les Emirats Arabes Unis et l’Arabie saoudite pourraient demander à leurs partenaires commerciaux de choisir entre travailler avec eux ou avec Doha ». Une grande banque semble avoir déjà fait l’objet de pressions de ce genre.

Conflit de (nouvelle) génération
Dernier élément qui rend difficile la résolution de la crise : elle est la première voulue par une nouvelle génération de décideurs, tous convaincus qu’ils sont l’avenir de leur pays. Le Qatarien Sheikh Tamim bin Hamad al Thani (36 ans), ancien de l’académie royale militaire de Sandhurst (Royaume Uni), au pouvoir depuis juin 2013, auteur de la « Qatar National Vision 2030 », a mis un point d’honneur à multiplier les appuis extérieurs et variés par une diplomatie de « soft power ». Un affranchissement qui ne plaît pas à ses puissants voisins. Mais l’embargo conduit à consolider le sentiment national au sein de sa population, victime expiatoire. Al Thani semble très populaire, y compris aux yeux des expatriés. De plus il n’a pas cédé à la provocation de ses voisins et a habilement joué du droit international contre l’embargo, qui est jugé illégal par l’OMC. Face à lui : le Saoudien Mohamed Bin Salman, dit MBS (32 ans), est doté d’un modeste diplôme juridique de l’Université Islamique de Riyad, mais il tient fermement à imposer ses prérogatives de Prince héritier, titre officiellement accordé le 21 juin, en marchant sur la tête de son cousin Mohamed Ben Nayef. Il est considéré comme le responsable de la catastrophique guerre au Yémen. A 56 ans, l’Emirien Sheikh Mohamed bin Zayed al Nahyan est le plus âgé manifeste, lui, une phobie épidermique de l’islamisme sous tous ses aspects, chiite iranien, Frères musulmans, salafiste ou djihadiste sunnite, dès lors qu’ils s’invitent sur le terrain du pouvoir temporel. Aucun de ces nouveaux dirigeants ne peut céder puisque chacun y joue sa légitimité. La crise va donc durer et probablement provoquer des effets inattendus.

Pierre Conesa
[i] Wall Street journal, 12 juin 2017)
[ii] https://www.theguardian.com/world/2017/jun/28/uae-ambassador-threatens-further-sanctions-against-qatar




Gulf crisis and gas: Why Qatar is boosting output

Qatar may be under economic siege but it pulled an ace from up its sleeve on 4 July by announcing that it will bolster liquid natural gas production by some 30 percent.

The move will secure Doha’s position for years to come as the world’s top exporter of LNG.

Naser Tamimi, a Qatari energy analyst, told MEE: “It is a very significant announcement as it will put huge pressure on the LNG projects underway in countries with higher extraction costs. It is also signals that Qatar is fighting for market share.”

The announcement is also seen as a shot across the bows of Saudi Arabia and the UAE, the leads in the embargo, that Qatar is not buckling under the pressure.

Roudi Baroudi, the chief executive of Energy & Environment Holding, an independent consultancy in Doha, said: “The bottom line is this was a business decision. If politics had an impact, it was in the timing: it’s possible that the move was accelerated in order to signal the country’s resolve and ensure that if the siege persists, more revenues will be available to help soften the blow.”

The Australia-US-Qatar tussle

Qatar had indicated earlier this year that it would increase LNG output by 15 million tonnes (MT) but it has more than doubled that figure to 33 MT. It brings annual production up from the current world-record of 77 MT to 100 MT.

Analysts have generally downplayed the timing of the announcement, which coincides with Doha rejecting the demands of Riyadh and its allies.

But the move clearly shows that, at a global level, Qatar wields power when it comes to LNG. Claudio Steuer, director of SyEnergy, a UK-based energy consultancy focused on natural gas and LNG value chains, said: “Qatar’s timing is impeccable to exploit the weakness in the current US LNG business model, and pre-empt competition from Russia, Iran, East Africa and East Mediterranean.”

Australia is scheduled to become the world’s largest LNG supplier during the next two years, but it’s anticipated that Qatar will then be back on top by 2022 once new production from its huge offshore North Field begins producing.

The US is also increasing its output and expected to become the world’s third-largest LNG exporter by 2020, now that LNG export terminals have come online and the Trump administration is pushing energy exports.

Qatar’s increase will ward off such competition, primarily due to lower extraction costs in the North Field and at its liquefaction facilities, especially when compared with fracking in the US.

This will enable Doha to gain market share in countries with rising LNG demand, particularly in Asia, currently the destination for two-thirds of its LNG exports.

“Despite the strong US propaganda, the current US LNG projects costs and business model are not competitive in the growing southeast Asian markets,” said Steuer.

He said that as things stand, the high costs of American LNG extraction only becomes competitive at oil prices of more than $60 to $70 a barrel, which will limit the scale of the expected surge of LNG supplies from the US. By way of comparison, oil prices have ranged from $40 to $50 a barrel during the past year.

Trevor Sikorski, head of gas and carbon at Energy Aspects, says that US gas producers will need around $8 to $8.50 per million British Thermal Unit (BTU) – a standard unit used for gas – to cover their capital expenditure costs and enjoy a return on their investment.

The Qataris, he said, will want a similar figure to cover investment in their new liquefaction trains – the part of an LNG plant which reduces the volume of the gas by chilling it to liquid form.

“But US costs are a dollar or two higher than what Qatar pays. If it’s a race to the bottom on prices, the US will lose.”

The risks ahead

But Qatar does face one risk: finding long-term buyers of its LNG to secure funding to underwrite the expansion.

Previous LNG projects were greenlit on the expectation of gas prices being double the current $5 to $6 per million BTU. Now, they’re struggling.

Qatar has managed to launch out projects, like the RasGas Train 6 – one of 13 liquefaction trains operated by state-owned RasGas and Qatargas – without long-term buyers to guarantee capital expenditures, which eases financing conditions.

Instead it operated on a “merchant basis” that reassures financiers with forecasts of rising demand.

That gamble paid off for Qatar in 2009, when RasGas 6 came online. In 2011 it was given a further boost when it used spare capacity to meet a sudden demand in LNG from Japan after the Fukushima nuclear disaster.

“They’ve taken that risk before and it worked well. If anyone can take that risk it is the Qataris,” said Sikorski.

Riyadh and Abu Dhabi will not be able to use leverage with international oil companies (IOCs) to prevent investment in Qatar. Majors like Royal Dutch Shell, Total and ExxonMobil – already heavily involved in Qatar – have already signalled their neutrality in the GCC crisis.

“I do not see any major show stoppers for Qatar in wanting to ramp up production,” said Steuer, “as all major oil and gas engineering and service providers would welcome the opportunity to secure new business in Qatar.”

The LNG expansion strengthens Qatar’s ties with major oil companies while signalling to buyers that Doha can keep taps turned on, despite the crisis.

“Above all else, Qatar Petroleum must be sure it can keep its customers supplied,” said Baroudi. “And they’re not taking that step alone: they have partnered with some genuine heavyweights of the industry.”

A blow to Saudi Arabia?

Opinion is divided as to whether Qatar’s announcement raises the regional stakes in the global shift away from oil to gas.

Saudi Arabia and the Emirates, which are not gas exporters, will struggle to match Doha’s output.

Shaybah, base for Saudi Aramco’s LNG plant and oil production in Saudi Arabia’s Empty Quarter in 2016 (AFP)

LNG is considered a cleaner fuel than oil. Major economies such as China, India and South Korea have been moving from coal power plants to gas to reduce pollution.

Steuer said: “As gas is the only fossil fuel with sustainable long-term prospects for the next 25 years, this only reinforces the current tensions involving Saudi Arabia and Qatar.

“As oil demand and prices decline, the economic power is gradually shifting away from oil-rich nations to gas and LNG rich nations. This game changes the balance of political and economic power in the Middle East.”

Oil prices are key to balancing the budgets of Saudi Arabia and the UAE. Each needs target prices of $90 and $60 per barrel respectively in 2017 to balance the books, according to the Institute of International Finance.

Asia is considered the battleground between Qatar and Saudi Arabia for energy exports.

“I think the Saudis will lose more than the Qataris, as the Qataris depend on gas and condensate more than oil, which is not their main export,” said Tamimi. Oil accounts for around 50 percent of Saudi Arabia’s GDP and 85 percent of its export earnings, according to OPEC.

In December 2016, Russia overtook Saudi Arabia as the world’s largest oil producer. Moscow has also been expanding its market share in China, the world’s largest oil importer and third-biggest LNG importer.

“Saudi Arabia used to have 20 percent share of the Chinese market, in 2011, but in the first five months of 2017 it’s down to 11 percent,” said Tamimi. “It will be difficult or maybe impossible to regain that.”

But while Qatar’s LNG increase is equivalent to around 10 percent of global LNG capacity, Sikorski thinks it is “a bit of a stretch” to say that gas will replace oil dependency.

“To me this is a case of, ‘Look GCC, we [Qatar] are not dependent on you to make our economy work, we can expand our gas exports if you try to squeeze us, and we will continue to make a lot of money on that.’ That was the message to me, rather than saying LNG is the future and oil is dead.”

Paul Cochrane




Gas and the Gulf crisis: How Qatar could gain the upper hand

 

Asian markets, military allies and a crucial pipeline all offer Doha leverage against its adversaries amid the current crisis
The blockade of Qatar, led by Saudi Arabia and the United Arab Emirates, has already had an economic impact.

Qatar, the world’s second largest producer of helium, has stopped production at its two plants as it cannot export gas by land. Qatar Airways can no longer fly to 18 destinations. Qatari banks are feeling the pinch, particularly the Qatar National Bank (QNB), the region’s largest by assets, and Doha Bank: both have extensive networks across countries which are members of the Gulf Cooperation Council (GCC).

Ratings agency Standard & Poor’s (S&P) downgraded Qatar’s credit rating from AA to A- on 8 June. It could put it on credit watch negative, a sign that the crisis could impact investment and economic growth. Moody’s followed suit, placing Qatar’s AA long-term foreign and local currency Issuer Default Ratings (IDRs) on rating watch negative.

Doha is unlikely to buckle soon. It has plenty of financial muscle, not least in its sovereign wealth fund, the Qatar Investment Authority (QIA), which holds an estimated $213.7 billion, according to the Institute of International Finance. The seed capital for that fund comes from Qatar’s oil and gas exports.

Energy receipts account for half of Qatar’s GDP, 85 percent of its export earnings and 70 percent of its government revenue. The crisis may affect the emirate’s medium- to long-term energy contracts, as buyers diversify their imports to be less reliant on Qatari gas.

Roudi Baroudi is CEO of Energy & Environment Holding (EEH), an independent consultancy (the principal holder in EEH is Sheikh Jabor bin Yusef bin Jassim al-Thani, director general of the General Secretariat for Development Planning). He says that when it comes to oil, the advantage is with the Riyadh-led group: Saudi Arabia recently overtook Russia as the world’s biggest producer; the UAE is also in the top 10.

“When it comes to gas, however, Qatar holds more and better cards,” Baroudi adds.

Doha can use energy as a diplomatic tool to its advantage: how it does this will be crucial as to its attempts to ride out the current storm.

How will Qatar ship its exports?

Qatar is the world’s largest liquefied natural gas (LNG) exporter, accounting for nearly one-third of global trade, at 77.8 million tonnes (MT) in 2016, according to the International Gas Union. So far there have been no interruptions to Qatari extraction or exports via the 60-plus LNG carriers that belong to the Qatar Gas Transport Company (Nakilat in Arabic).

But as a result of the crisis, state-owned firms Nakilat, Qatar Petroleum and Industries Qatar have all been downgraded.

Much of Qatar’s liquefied natural gas is shipped by tanker. While there have been no reports of oil shipments being interrupted, there is concern about Qatari routes to Asia, the key buyer for the bulk of its oil as well as much of the Gulf’s exports.

Historically, Asian buyers demand a mixture of crude oil from the Gulf: usually the taker would depart the emirate with Qatari oil, then stop to refuel and add Saudi, Emirati and Omani grade crude, usually at UAE ports.

Karim Nassif, associate director at Standard & Poor’s in Dubai, says: “If they are not allowed to stop and refuel as some reports suggest, then this could affect the buyers who may be anticipating a variety of crude grades.”

The Daily Telegraph reported that two LNG ships bound for the UK were re-routed due to the crisis, but Baroudi says this is not an issue. “If the reports are true, it’s just a by-product of how international companies are coping with the Saudi-led embargo by playing it safe.

“Say Company A was planning to deliver LNG from Qatar to the UAE, but the latter now bans Qatari ships from docking and unloading. Company A’s response may well be to send an LNG carrier based in a third country to make the delivery instead, then reroute one or more others to make sure all customers are supplied.”

Naser Tamimi, an independent Qatari energy expert, says that the same scenario applies to the possibility of Egypt stopping Qatari tankers using the Suez Canal; or raising fees for Qatari vessels. “The Qataris could get around it through tankers registered elsewhere, like the Marshall Islands,” says Baroudi, “or divert some of their cargo going to Europe via South Africa.”

He says that such moves could add about half a dollar to the cost of each British Thermal Unit (BTU) – but that the Qataris could cope with that, even if they had to absorb the cost instead of the consumer.

Around 70 percent of Qatar’s LNG exports are under long-term contracts – typically of around 15 years – so production and payments are secure. The remaining exports are on short-term or spot prices that are dictated by the international markets.

Sources within the shipping industry speculate that some deals may have been called off or delayed: there have been reports from insurance and petrochemical companies that 17 LNG vessels are now moored off Qatar’s Ras Laffan LNG port – a much higher number than the usual six or seven vessels.

Will Asian markets look elsewhere?

The bulk of Qatar’s LNG is destined for east Asia – and analysts say that that is unlikely to end soon.

Theodore Karasik, senior adviser at Washington-based consultancy Gulf State Analytics, says: “Qatari LNG is not affected by the sanctions and blockades, simply because GCC states require good relations with east Asian partners.”

He said that if Saudi Arabia and UAE were to interrupt LNG exports to Asia, then those customers may not want to invest in the programmes intended to transform the economies of the UAE or Saudi Arabia, such as the 2030 Visions strategies.

His opinion is echoed by Baroudi. “The Asian markets aren’t going anywhere. Asian countries need – and know they need – long-term relations with stable producers, and by this measure Qatar is in a class by itself. The same applies for consumer nations elsewhere, so even if the crisis were to escalate, and right now it appears to be settling down, then any interruption would be a short-term phenomenon.

“Qatari LNG simply cannot be replaced. Australia [LNG] will begin to have an impact on international markets by the end of the decade, but that just means an added degree of market competition, not replacement.”

But Tamimi thinks the crisis could prompt Asian buyers to diversify their energy portfolios and lessen their dependency on Qatari gas. “They are under pressure now, and in a global context with an LNG glut,” he says.

“All Qatar customers are asking for better deals, and Qatar’s market share is decreasing compared to 2013 because of competition from Australia, Indonesia and also Malaysia. The crisis is a reminder to everyone in Asia that the Middle East is not stable, that everything could change within days.”

Will Qatar shut down a key pipeline?

One scenario that would deepen the crisis still further is a lockdown of the Dolphin gas pipeline, which runs between Qatar and some of its fiercest critics.

While two-thirds of Qatari LNG is bound for Asia and Europe, around 10 percent is destined for the Middle East. Two export markets, Kuwait and Turkey, are secure due to better political relations.

But the other two – Egypt and the UAE – are among those nations currently blockading Qatar. If Riyadh and the UAE raise the ante, then it might raise questions about the pipeline’s future.

Egypt gets two-thirds of its gas needs, some 4.4 MT in 2016, from Qatar on short-term and spot prices. Cairo is firmly in the Saudi camp – but has not halted gas shipments.

Baroudi says: “Since the crisis erupted, Egypt has continued to accept shipments of Qatari gas on vessels flying other flags. The 300,000 Egyptians who live and work in Qatar have carried on as before.

“Neither country wants to burns its bridges for no good reason,” he says, “especially Egypt, which only recently staved off bankruptcy because of Qatari financial largesse,” a reference to the $6 billion Qatar provided in the wake of the 2011 Egyptian uprising.

But it is the Dolphin pipeline, which carries Qatari gas to the UAE and Oman, that is the most contentious issue. The UAE imports 17.7 billion cubic metres (BCM) of natural gas from Qatar, according to the BP Statistical Review 2016, equivalent to more than a quarter of the UAE’s gas supply.

Nassif says: “The Qataris have indicated that the supply of gas through Dolphin to the UAE and Oman will continue. We have no concerns at present of any armageddon scenario of Qatar changing its stance on this.”

Either side would lose significantly if the gas was stopped, especially during the summer when power generation is at its peak to keep the air conditioning on. Halting supply would be the Gulf equivalent of Russia turning off the gas to Ukraine in January 2009.

“The UAE would immediately face extensive blackouts without it,” says Baroudi. “They would be shooting themselves in the foot if they were to interfere with gas shipments, and Qatar views the pipeline as a permanent fixture, not something to be manipulated for the sake of short-term political gain.

“As a result, neither side has any interest in changing the status quo – and neither has communicated any consideration of such a step.”

Analysts say that both sides have contingency plans should the Dolphin pipeline shut down – but, says Tamimi, the UAE will find it hard to compensate for the loss of Qatari gas.

“They’ll have to import LNG as no one can send it by pipeline. That will cost three times the price they’re getting from the Qataris. There is no official price but it is estimated at $1.6 to $1.7 per BTU, so around $1.1 billion [in total].

“If the UAE wants to stop the Qatari imports, they’d have to pay three times that amount at the current price as LNG is linked to the price of oil.”

A stoppage on either side would also violate bilateral agreements. “If the UAE violates it, the Qataris can sue them and vice versa. If the Qataris do it, it would also send a bad message to their customers, to use gas for political reasons.”

Such a move by Qatar would also undermine its strategy of saying it has been unfairly treated by the GCC and is abiding commercial contracts – unlike the UAE and Saudi Arabia, as Qatar Airways CEO Akbar Al-Baker told the press.

Will there be a land grab by Saudi?

Analysts have not ruled out further sanctions by the UAE and Saudi amid the current crisis. Any move on blocking energy exports, including the Dolphin pipeline, would be viewed as a serious escalation by Doha as it would cripple its economy.

One hypothetical scenario being actively debated at a political level, according to analysts, is an all-encompassing blockade of Qatar as part of Riyadh’s and the UAE’s plans to re-organise the Gulf Cooperation Council – and, unless there is a change of regime in Doha, kick out Qatar (let’s call it a “Qatexit”).

An extension of this scenario is an outright land grab by Saudi Arabia of Qatar’s energy assets. These would then fund Deputy Crown Prince Mohammed bin Salman’s Vision 2030 strategy to diversify the kingdom’s economy.

Karasik says: “Arguably the national transformation plan and Vision 2030 may not be going so well. In addition the ($2 trillion) Saudi Aramco IPO may not achieve its fully stated value. If this is the case, then Saudi is going to need an injection of wealth and will have to do it fast.

“In other words, Riyadh may look for a piggy bank to rob.”

Such a move by Riyadh would be armageddon for the Qatari royal family. The emir of Qatar would be forced to stand down – as Emirati real estate mogul and media pundit Khalaf al-Habtoor has suggested – or Riyadh could take control of the kingdom.

Baroudi believes that the crisis is settling down and will soon be resolved. Other analysts have pointed to the recent $12 billion US fighter jet deal with Qatar, indicating that Riyadh and the UAE will not get their way. The Al-Udeid US air base, which is the headquarters of Central Command, covers 20 countries in the region.

Turkish troops, who arrived in Qatar for training exercises this week, could also help turn the heat down, now that the two countries have signed a defence pact. Ankara has the region’s largest standing army, with its presence near the Saudi border (Qatar’s only land border) considered a deterrent.

But other analysts see no sign of tension ebbing soon. They flag how the descendants of Ibn Abd al-Wahhab – the founding father of Wahhabism, both Saudi and Qatar’s dominant theology – have distanced themselves from the emirate’s ruling family, undermining its legitimacy. The rhetoric against Qatar from Riyadh and the UAE continues unabated. Last week, the UAE called on the US to move the Al Udeid air base out of Qatar.

“There are no more black swans in our world,” says Karasik. “This idea [of a land grab] is something people are starting to talk about.”

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Paul Cochrane
Tuesday 20 June 2017 07:49 UTC
Middle East EYE