L’émirat gazier s’accommode sans trop de dégâts du quasi-blocus imposé il y a un an par ses voisins arabes.
Le Qatar tient le choc. Il a « fêté » ce mardi un an d’embargo terrestre, aérien et maritime imposé par l’Arabie saoudite et ses alliés. « Même pas peur » semble être le cri de ralliement des 2,6 millions de résidents (dont seulement un dixième de Qataris) de l’émirat à qui le gaz confère les revenus par habitant les plus élevés de la planète. Le ministre qatari des Affaires étrangères, Sheikh Mohammed ben Abderrahmane al Thani, a même joué la provocation envers Riyad en affirmant mardi que son pays « se trouvait renforcé » par l’embargo.
Quand l’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis, Bahrein et l’Egypte ont, le 5 juin 2017, soudainement coupé toute relation économique et diplomatique avec Doha, avec expulsion de ses ressortissants et fermetures de comptes bancaires à la clé, ce fut un choc.
« D’un seul coup, plus d’importations d’oeufs, de lait, de légumes et même d’insuline », se rappelle l’homme d’affaires Roudi Baroudi, « mais nous avons fait preuve de résilience et de cohésion nationale. Et aucun investisseur n’a plié bagage ».
Le Qatar, qui a refusé le plan de reddition géopolitique en 13 points exigé par ses voisins (fermeture de sa télévision Al Jazeera, suspension de son soutien aux Frères musulmans, distanciation d’avec l’Iran, etc.), a trouvé des fournisseurs de substitution : la Turquie, l’Iran, les pays européens, le Maroc, l’Inde, la Chine, Oman (qui réexporte en fait des produits émiratis). « Cela leur a permis de découvrir que les Saoudiens leur surfacturaient souvent et ils y ont donc gagné au change pour certains produits », estime un connaisseur de la région.
Un plan de bataille
Doha a relevé à 49 %, contre 25 %, le plafond des participations étrangères dans toute entreprise locale et lancé, à grand renfort de subventions, un programme de soutien à l’industrie nationale, alors que jusqu’alors la totalité des biens de consommation était importée. C’est ainsi que 3.400 vaches ont été acheminées d’Australie… par avion (le seul accès terrestre est fermé via l’Arabie saoudite) et que Doha a installé en urgence la plus vaste plate-forme de traite du Proche Orient. Ont été mises en place une dizaine de routes commerciales nouvelles, par avion ou via Port Hamad.
Si ces mesures ont permis d’éviter pénuries et flambée inflationniste, le choc a été rude pour Qatar Airways, qui a dû suspendre 19 destinations et perdu un quart de son trafic passager, ainsi que pour le secteur touristique, avec une chute du nombre d’entrées de 25 % l’an dernier.
Un impact transitoire selon le FMI
Une facture alourdie par une fuite des capitaux évaluée à 40 milliards de dollars en quelques mois. Mais la Banque centrale et le fonds souverain, le Qatar Investment Autorithy, fort de 340 milliards d’actifs, ont injecté des liquidités d’un montant équivalent, à parité. Au total, la croissance économique a à peine faibli en 2017 et le déficit budgétaire n’a pas dépassé 1,6 % l’an dernier, a souligné le FMI dans un rapport en mars, qui estimait que l’impact de l’embargo était « transitoire ». L’indice de la Bourse de Doha a dévissé de 18 % en 2017, pire performance mondiale, mais a depuis regagné dix points.
La résilience du Qatar doit aussi beaucoup à sa stratégie d’influence et d’assurance via ses relations (assorties d’achats d’armes) avec notamment Paris, Londres et Washington, qui maintient une base de 11.000 soldats sur place.