« Toute personne ou entité se sentant concernée par l’avenir économique de l’Union européenne (UE) devrait œuvrer à faire de Chypre une plate-forme énergétique régionale. » Ces propos ont été tenus lors de la conférence euro-méditerranéenne sur l’énergie qui a eu lieu du 10 au 12 juillet courant, par l’expert libanais en matière pétrolière et gazière et ancien secrétaire général du Conseil énergétique mondial, Rudi Baroudi. Pour illustrer ses dires, M. Baroudi est revenu sur le conflit entre l’Ukraine et la Russie, « qui a montré au grand jour la vulnérabilité de l’Europe, qui dépend de la Russie pour plus d’un tiers de ses importations de gaz ». « S’il y a un projet qui mérite que les membres de l’UE planchent dessus en commun, pour éviter une dépendance énergétique accrue, c’est bien celui-là », a assuré l’expert international.
Pour le vice-président de la Commission européenne et commissaire chargé de l’Énergie, Günter Oettinger, « une plus grande diversité dans l’approvisionnement de gaz est un des objectifs-clés de notre politique ». « Si l’idée de faire de Chypre un hub énergétique se concrétisait, le pays pourrait devenir une source importante d’approvisionnement pour l’Europe, qui est aujourd’hui le plus important importateur de gaz au monde », a rappelé de son côté M. Baroudi. Selon lui, « avec les réserves en gaz présentes en Méditerranée orientale, Chypre pourrait fournir environ 20 % des besoins européens ». « Si on ajoute à cela les récentes découvertes en Israël et au Liban et les possibles découvertes offshore en Grèce, ce chiffre pourrait atteindre 40 % d’ici à 2020 », a-t-il prédit. Rappelons ici qu’Israël exploite déjà ses réserves gazières offshore, alors que, parallèlement, le processus d’appel d’offres pour l’attribution des licences d’exploration au Liban est bloqué depuis plusieurs mois, faute d’accord en Conseil des ministres.
Les nombreux avantages de Chypre
Rudi Baroudi a convenu que la Russie resterait un pilier principal sur le marché européen de l’approvisionnement énergétique, mais il a cependant tenu à mettre en avant les nombreux avantages qu’apporterait la participation de Chypre. « Du fait de sa situation géographique, l’île permettrait de passer outre les différends dus aux axes de transit et rééquilibrerait le nouveau paysage énergétique en contribuant à une baisse des prix », a-t-il indiqué. « Par ailleurs, ce nouveau partenaire renforcerait la position internationale de l’Europe car il ne représente aucune menace puisqu’il fait partie intégrante de l’UE », a poursuivi M. Baroudi. Enfin, selon l’expert, cette nouvelle donne, si elle a lieu, « servirait les intérêts géopolitiques de la région ». « En devenant la plate-forme de distribution du gaz des pays est-méditerranéens comme le Liban, Israël et éventuellement la Palestine, Chypre leur donne également un intérêt commun à la préservation de la paix et de la stabilité dans la région », a ajouté M. Baroudi.
Ce dernier argument a particulièrement convaincu M. Oettinger, qui a insisté sur « l’importance de la stabilité des pays fournisseurs de gaz ». « L’UE a tout intérêt à ce que la région ne s’enflamme pas car les risques de contagion sont une menace constante », a-t-il affirmé.